Et si on arrêtait le progrès ?

La télévision, et c’est assez rare pour le signaler, nous gratifiait dernièrement d’un court reportage permettant une intéressante et relativement accessible introduction à la techno-critique. Vous pouvez le visionner préférablement sur le site internet d’ARTE.tv en cliquant ICI ou en participant au totalitarisme googleien ci-dessous. Bon visionnage !

« Dans cet épisode, Laura interroge le bien-fondé de l’expression “on n’arrête pas le progrès”. Est-ce si évident ? Pourquoi les nouvelles technologies, à l’instar de la 5G, sont-elles souvent contestées ? Le progrès est-il toujours désirable, quelles que soient ses implications sociales, ou environnementales ? François Jarrige, historien des sciences, explique que les innovations techniques ont souvent rencontré des oppositions et qu’aucune n’est inéluctable.

Il critique notamment l’idéologie “technosolutionniste”, selon laquelle l’innovation technologique pourrait résoudre tous les problèmes écologiques, sociaux, culturels et politiques. “L’idée ce n’est pas d’être pour ou contre la technique, c’est d’inventer d’autres systèmes techniques dans d’autres contextes sociaux et démocratiques,” résume-t-il. Avec également Emmanuel Umpala, directeur de l’Observatoire africain des ressources naturelles. »

Un récit de l’essor de l’EPFL

L’école d’Ingénieurs comme créatrice de profits et pourvoyeuse d’emplois au travers du transfert de technologie

L’ École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) est devenue le centre de l’attention vaudoise dès les années 2000 et la présidence d’Aebischer. L’école est vue, par les yeux des politiciens aussi bien que ceux des patrons de l’industrie, comme le « moteur de croissance » du canton. Cet état de fait est la suite d’un développement historique. Ayant débuté comme une école affiliée à l’Université de Lausanne, elle n’a cessé de prendre de l’ampleur et d’intégrer de nouveaux domaines de recherche, en parallèle au développement technique du 20ème siècle. Ce développement de nouveaux domaines est aujourd’hui regroupé sous la dénomination d’innovation, véritable mot pivot du programme mené par l’état et l’industrie. Face aux enjeux environnementaux, médicaux ou encore sociaux, il s’agit de trouver des solutions qui puissent à la fois créer de la richesse et apporter une réponse à ces problèmes. Ainsi se développent de nos jours la robotique, les biotechnologies, l’informatique, les nanotechnologies, les sciences cognitives, les drones, la blockchain, l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle qui représentent des domaines inexplorés, dont la transformation en produits permettrait un avantage compétitif, de la création de valeur en suisse face aux autres pays. Dans l’optique du groupe Nos futurs, qui remet en cause le bien fondé de ce solutionnisme technologique et financier face aux problèmes sociaux et environnementaux, ce texte présente, au travers de l’exemple de l’EPFL, le développement du système institutionnel de la recherche qui est devenu le pilier de notre société technocratique.

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Günther Anders (1902-1992) : l’obsolescence démultipliée

Paru en 1980, le second volume de L’obsolescence de l’homme rassemble des écrits composés en réalité entre 1955 et 1980. Günther Anders a reconnu qu’il s’agissait de variations sur le thème originel du décalage prométhéen, défini dans le premier volume comme l’écart entre l’homme et le monde qu’il a produit par le biais de la technique. Ce décalage est lui-même à l’origine de la honte prométhéenne, présentée comme l’écart entre ce que nous pouvons faire – détruire le monde – et ce que nous pouvons ressentir, soit cette sorte d’incapacité à saisir les conséquences du pouvoir que nous avons acquis sur la nature. Chacune des nombreuses variations sur ce thème montre la question sous une nouvelle lumière. A propos de ces textes, qui traduisent la radicalisation de ses réflexions philosophiques, Anders parle de « métamorphoses ».

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Ernst Friedrich Schumacher (1911-1977): le monde moderne et ses ressources

            Statisticien et économiste allemand installé en Angleterre, E.F. Schumacher reste surtout connu pour sa défense de techniques décentralisées et à taille humaine, autrement dit pour la notion d’« intermediate technology » qu’il a développée dans Small is Beautiful (1973) et qui préfigure le concept de « low tech ».

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Un accélérateur du désastre

En décembre 2015, les médias romands annoncent l’arrivée dans la région lémanique d’un « incubateur » ou « accélérateur » américain de start-up appelé MassChallenge. Soutenu localement par les industriels Nestlé et Bühler, ainsi que par le Swiss Economic Forum et le réseau Inartis, il organise un événement de lancement en février 2016 au Campus Biotech de Genève. On nous vantait déjà à longueur d’année les « jeunes pousses » créées à grand renfort de fonds et de fondations pour le « transfert de technologies » par de jeunes diplômé·e·s de l’EPFL (école polytechnique fédérale de Lausanne). Désormais, on passe au stade supérieur, avec ces dits accélérateurs qui seraient déjà légion dans le monde de la high-tech.

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Écran total: résister à la gestion et l’informatisation de nos vies

La critique technologique n’est ni nouvelle, ni isolée. En France, le réseau Ecran total dénonce et s’oppose depuis plusieurs années au basculement de l’entier de nos sociétés et de nos vies vers le modèle industriel. Nous nous devions donc de relayer son communiqué, sorte d’état des lieux aussi pertinent que nécessaire et alarmant. Merci à eux!

« Depuis 2011, un certain nombre d’éleveuses de brebis et d’éleveurs de chèvres désobéissent à la directive européenne qui les oblige à poser des puces électroniques à l’oreille de leurs bêtes. Ils refusent de gérer leur troupeau par ordinateur et de se conformer aux nécessités de la production industrielle, comme la traçabilité. Ils s’organisent entre collègues, voisins, amis, pour répondre collectivement aux contrôles qu’exerce l’administration sur leur travail, et faire face aux sanctions financières qui leur sont infligées en conséquence.

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A propos de la domination, de la maîtrise et du contrôle

Critique technologique
Domination

Dans le texte qui suit, il s’agira de faire un pas en arrière, et de revenir sur une partie de l’histoire qui constitue le socle sur lequel la société actuelle repose. Car malgré son aspect fragmentaire, le monde dans lequel nous vivons et les relations qui le constituent sont imbriquées et reposent sur une vision du monde développée il y a bien des années, notamment durant cette époque qu’on appelle la modernité, et plus particulièrement lors de ce qui est nommé le siècle des Lumières. Parce que les diverses formes de domination se rejoignent et se nourrissent entre elles. Si nous analysons la technologie en tant que telle, nous n’en faisons qu’un objet détaché de son contexte historique et social.

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Surenchère scientifique

Un article de présentation du « Human brain project » de l’EPFL affirme que «  grâce à une connaissance plus profonde et détaillée du cerveau, il deviendra possible de résoudre les problèmes les plus critiques auxquels va faire face la technologie informatique : l’efficacité énergétique, la fiabilité et les difficultés considérables qu’implique la programmation des systèmes informatiques complexes». Fin de citation.

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Propagande informatique

A l’origine, le discours dominant sur l’informatique nous promettait une ouverture d’esprit accrue, orientée vers la liberté des échanges non-marchands, un accroissement de la connaissance et surtout une diminution de toutes les tâches réputées rébarbatives, grâce au recours à cette technologie miraculeuse capable d’assumer à la perfection toutes les tâches qu’on voudrait bien lui confier.

Critique technologique
Bell telephone computer, 1922

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