Motivations et buts
Nous vivons une époque d’accélération technicienne sans précédent. Chacun et chacune peut le constater dans son quotidien, dont les différentes facettes sont marchandisées l’une après l’autre par l’entremise d’un « système technologique » devenu envahissant et omniprésent. C’est une évolution dans laquelle l’humain se confronte à sa propre obsolescence, en particulier dans la sphère du travail. Force est de constater que cette évolution nous est imposée, par la logique d’un capitalisme marchand fondé sur la concurrence universelle : notre avis n’est pas requis, et si on ne s’y adapte pas, on s’expose à une marginalisation sociale, voire à l’exclusion. On peut donc sans exagérer parler de contrainte socio-culturelle, conçue comme une sorte de fatalité à laquelle nul ne pourrait se soustraire. La raison, née comme une promesse d’amélioration de la condition humaine, est désormais dévoyée en rationalité technique censée représenter une logique supérieure, dont la force s’imposerait à l’humanité elle-même !
Dans la région lémanique, l’économie du high-tech a vu son emprise croître ces dernières années de façon exponentielle, entre autres « grâce » à l’EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne) et à la myriade de start-up qu’elle génère. L’impact sur nos vies de cet « éco-système » techniciste devient majeur, que ce soit à travers les institutions politiques, l’économie, l’urbanisme, les loyers ou les médias. Cette évolution, tacitement admise au nom du progrès, ne fait plus l’objet du moindre débat. Cette absence de réflexion contradictoire contraste avec l’idéal démocratique, et il est révélateur que l’État – comme partout ailleurs – soit devenu moteur dans cette énième vague d’industrialisation. Même la détérioration générale de notre environnement, ou des catastrophes comme celle de Fukushima ne paraissent guère entamer la confiance aveugle que les médias, les politiques, les économistes et bien entendu les scientifiques continuent de porter à l’idéologie de la croissance par le progrès des techniques, un progrès fondé sur une consommation excessive de ressources. Face à ce futur qui nous est présenté comme inéluctable, l’attitude la plus commune semble être la résignation. Ce constat nous a poussé à nous organiser collectivement, et à créer en 2014 le collectif Nos Futurs, dans l’intention de développer un travail d’analyse, d’information et d’action autour des enjeux et des perspectives d’un développement high tech qui prend les aspects d’une fuite en avant.
Au-delà de la critique de telle ou telle technique et de ses impacts potentiellement nocifs, notre collectif cherche à développer une réflexion d’ordre général sur les conséquences sociales, économiques, environnementales, du système technologique mis en place depuis les origines du système industriel, et plus particulièrement depuis l’émergence de ce qu’il est convenu d’appeler la quatrième révolution industrielle. La convergence des biotechnologies, des nanotechnologies, de l’informatique, des neurotechnologies et des sciences sociales à vocation utilitaire qui la caractérise ne vise en effet qu’à ouvrir de nouveaux marchés, et à « optimiser la gestion » de la nature et de la société, au risque de redéfinir les notions même d’humanité et de liberté. C’est pourquoi nous cherchons à développer et à diffuser une critique sociale – en paroles et en actes – de ce qu’il est convenu d’appeler les « nouvelles technologies », et de leur rôle dans la genèse et le fonctionnement d’un système capitaliste financiarisé, consumériste et profondément aliénant.
« Nos Futurs » est un collectif pluraliste dont les membres se rejoignent autour de l’idée que le « solutionnisme technologique » généralisé constitue un obstacle à l’émancipation et à l’autonomie des individus, et que les développements actuels du système technologique constituent une réelle menace pour le bien-être futur de l’humanité. Nous pensons que la vie sociale et les questions qu’elle pose ne constituent pas des dimensions réductibles à une gestion technicienne. C’est pourquoi nous appelons à une reprise en main de notre avenir, qui exclut toute approche technocratique des relations humaines et de la vie en société. Pour cela, il conviendra sans doute de sortir de l’âge des high tech et des machines qui nous asservissent pour retrouver l’usage d’outils low tech et conviviaux dans le cadre d’une société émancipée qui redéfinirait ses besoins, rompant avec l’actuel développement prédateur de ressources. Nous n’y parviendrons qu’après avoir renversé les mythes sur lesquels ce dernier repose, en ancrant la résistance dans nos réalités locales.
Quelques dates
- 2014 : Fondation à Lausanne d’un groupe d’information, de discussion et d’action technocritique comprenant à l’origine cinq membres.
Création du Salon-Bibliothèque chez Patrick Rion (4, ch. de l’Ancienne-Douane). - 2015 : Création de dossiers d’information sur des sujets techniques tels que le « Human Brain Project », la question des alicaments, etc.
Réalisation d’autocollants et de tracts.
Action de protestation à l’EPFL à l’occasion du « Human Brain Project ». - 2016 : Organisation des premières « rencontres technocritiques » sous la forme d’interventions thématiques à l’Espace Autogéré.
- 2017 : Le groupe informel prend le nom collectif de « Nos futurs ». Publication d’un premier article collectif dans Moins !
Premières projections de documentaires à l’Espace Autogéré. - 2018 Janvier : Lancement de la campagne d’affiches « Stop Machine Domination ».
Février : Début des « Cafés de discussion » hebdomadaires au Café des Artisans (16, rue Centrale).
Avril : Création du site internet « Nos Futurs – Forum Technocritique ». - 2019: Organisation de quatre soirées techno-critiques à Pôle Sud.