Un article de présentation du « Human brain project » de l’EPFL affirme que « grâce à une connaissance plus profonde et détaillée du cerveau, il deviendra possible de résoudre les problèmes les plus critiques auxquels va faire face la technologie informatique : l’efficacité énergétique, la fiabilité et les difficultés considérables qu’implique la programmation des systèmes informatiques complexes». Fin de citation.
Il est à remarquer que cet énoncé, clair en apparence, ne dit strictement rien du projet lui-même, et que d’une certaine manière, il prend bien soin de nous faire oublier une vieille promesse (non tenue) formulée à l’époque des débuts du « miracle informatique », selon laquelle cette nouvelle technologie simplifierait l’existence humaine toute entière. Nous étions donc invités à parier sur le développement de l’informatique et sur de si séduisantes perspectives.
La réalité nous oblige à dire que ce projet de monde virtuel, rendu possible par le tout informatique, n’a jamais été soumis, même de manière indirecte, au suffrage universel : on s’est contenté en la matière de diffuser un simple message publicitaire consistant à dire que le virtuel résoudrait tous nos problèmes. Or cette promesse de simplification est explicitement contredite par la citation ci-dessus, laquelle laisse entendre qu’à une complexité croissante des systèmes il faudra répondre par un accroissement des investissements dans la recherche de solutions à ces difficultés nouvelles. Lesquelles solutions pourraient elles-mêmes rencontrer de nouvelles difficultés, justifiant ainsi de nouveaux investissements, etc., etc. C’est le principe de la roue dans laquelle on fait marcher des prisonniers, ou des hamsters. Comme eux, nous ne verrons jamais la couleur de cette fameuse simplification de l’existence promise par ces nouvelles techniques, si tant est d’ailleurs que l’on puisse intelligemment souhaiter une telle chose.
Ainsi donc nous est révélée la supercherie intellectuelle de la réputée perfection « objectivement rationnelle » de l’outil et de la proclamation jamais vérifiée de ses possibilités illimitées. On peut généraliser le constat car c’est toujours par ce type d’argumentation par la surenchère que procède la recherche scientifique, laquelle s’exonère au passage de toute obligation de fournir des preuves concrètes à ses postulats. Quand bien même elle exigera de semblables preuves pour tout point de vue qui contesterait ses affirmations, ses postulats ou ses promesses. Il se pourrait néanmoins que la complexité croissante du monde dans lequel nous enferme cette technologie totalitaire n’échappe pas indéfiniment à l’attention des citoyens, et que ceux-ci finissent par prendre conscience de cet asservissement consenti. Ce constat pourrait bien les inciter à vouloir se soustraire à une telle vision de l’existence, vision dénuée de tout intérêt aussi bien que de perspectives humaines.
Patrick Rion, avril 2014