Et si on arrêtait le progrès ?

La télévision, et c’est assez rare pour le signaler, nous gratifiait dernièrement d’un court reportage permettant une intéressante et relativement accessible introduction à la techno-critique. Vous pouvez le visionner préférablement sur le site internet d’ARTE.tv en cliquant ICI ou en participant au totalitarisme googleien ci-dessous. Bon visionnage !

« Dans cet épisode, Laura interroge le bien-fondé de l’expression “on n’arrête pas le progrès”. Est-ce si évident ? Pourquoi les nouvelles technologies, à l’instar de la 5G, sont-elles souvent contestées ? Le progrès est-il toujours désirable, quelles que soient ses implications sociales, ou environnementales ? François Jarrige, historien des sciences, explique que les innovations techniques ont souvent rencontré des oppositions et qu’aucune n’est inéluctable.

Il critique notamment l’idéologie “technosolutionniste”, selon laquelle l’innovation technologique pourrait résoudre tous les problèmes écologiques, sociaux, culturels et politiques. “L’idée ce n’est pas d’être pour ou contre la technique, c’est d’inventer d’autres systèmes techniques dans d’autres contextes sociaux et démocratiques,” résume-t-il. Avec également Emmanuel Umpala, directeur de l’Observatoire africain des ressources naturelles. »

Contrer les apprenti·es sorcier·es de la 5G

Cet article est un entretien du journal Moins!, paru dans le numéro 52, mai et juin 2021

Le 23 février dernier, l’OFEV publiait à destination des cantons et communes l’aide à l’exécution relative aux nouvelles antennes dites adaptatives, brique manquante pour l’implantation du réseau 5G. Ce type d’antenne pourra ajuster la direction de transmission des données en concentrant les ondes sur les appareils connectés. La nouvelle directive permettra, grâce à une pondération sur six minutes de la puissance émise, de dépasser les valeurs limites inscrites dans la loi. Une comparaison routière serait de dire qu’il serait accepté de rouler à 250km/h, tant que la moyenne sur 6 minutes ne dépasse pas les 120km/h. Les opposants dénoncent une nouvelle entrave au principe de précaution et un forcing de la part de la Confédération. Nous avons souhaité
donner ici la parole à des personnalités ou associations impliquées dans le combat contre cette nouvelle technologie.

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Un récit de l’essor de l’EPFL

L’école d’Ingénieurs comme créatrice de profits et pourvoyeuse d’emplois au travers du transfert de technologie

L’ École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) est devenue le centre de l’attention vaudoise dès les années 2000 et la présidence d’Aebischer. L’école est vue, par les yeux des politiciens aussi bien que ceux des patrons de l’industrie, comme le « moteur de croissance » du canton. Cet état de fait est la suite d’un développement historique. Ayant débuté comme une école affiliée à l’Université de Lausanne, elle n’a cessé de prendre de l’ampleur et d’intégrer de nouveaux domaines de recherche, en parallèle au développement technique du 20ème siècle. Ce développement de nouveaux domaines est aujourd’hui regroupé sous la dénomination d’innovation, véritable mot pivot du programme mené par l’état et l’industrie. Face aux enjeux environnementaux, médicaux ou encore sociaux, il s’agit de trouver des solutions qui puissent à la fois créer de la richesse et apporter une réponse à ces problèmes. Ainsi se développent de nos jours la robotique, les biotechnologies, l’informatique, les nanotechnologies, les sciences cognitives, les drones, la blockchain, l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle qui représentent des domaines inexplorés, dont la transformation en produits permettrait un avantage compétitif, de la création de valeur en suisse face aux autres pays. Dans l’optique du groupe Nos futurs, qui remet en cause le bien fondé de ce solutionnisme technologique et financier face aux problèmes sociaux et environnementaux, ce texte présente, au travers de l’exemple de l’EPFL, le développement du système institutionnel de la recherche qui est devenu le pilier de notre société technocratique.

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Soirées à Pôle Sud

Nous avons le plaisir d’annoncer pas moins de quatre soirées organisées par le collectif qui auront lieu de janvier à mai à Pole Sud, av Jean-Jacques Mercier 3 à Lausanne:

  • 23 janvier 20h: Débat autour de la voiture autonome précédé d’une courte mise en scène en guise d’introduction (télécharger l’affiche).
  • 20 février 20h: Soirée musicale autour de cet art et la façon dont il est considérablement impacté par la technologie.
  • 10 avril 20h: Les fermes verticales, solution d’avenir? Projection d’un documentaire suivie d’une discussion.
  • 22 mai 20h: L’école d’ingénieurs, temple du progrès ou usine des inégalités? Conférence gesticulée à trois voix sur la doctrine et les réalisations de l’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne).

Entrées libres et bar ouvert, venez nombreux! Davantage d’informations sur polesud.ch. Au plaisir de vous rencontrer à l’une ou l’autre de ces soirées.

Bientôt une réalité? Prenons maintenant le temps d’en discuter…

Un accélérateur du désastre

En décembre 2015, les médias romands annoncent l’arrivée dans la région lémanique d’un « incubateur » ou « accélérateur » américain de start-up appelé MassChallenge. Soutenu localement par les industriels Nestlé et Bühler, ainsi que par le Swiss Economic Forum et le réseau Inartis, il organise un événement de lancement en février 2016 au Campus Biotech de Genève. On nous vantait déjà à longueur d’année les « jeunes pousses » créées à grand renfort de fonds et de fondations pour le « transfert de technologies » par de jeunes diplômé·e·s de l’EPFL (école polytechnique fédérale de Lausanne). Désormais, on passe au stade supérieur, avec ces dits accélérateurs qui seraient déjà légion dans le monde de la high-tech.

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Georges Bernanos (1888-1948)

Critique technologique
Georges Bernanos vers 1940 (© Wikipedia Commons)

Ecrivain catholique et monarchiste, proche pendant un certain temps de l’Action française, et combattant volontaire de la Première guerre mondiale, Georges Bernanos illustre une fois de plus la variété des horizons politiques des auteurs technocritiques, et en l’occurrence la fréquence des critiques d’origine conservatrice. L’auteur de Sous le soleil de Satan (1926) et du Journal d’un curé de campagne (1936) a en effet publié en 1944 un petit ouvrage intitulé La France contre les robots, dans lequel il critique violemment la société industrielle, estimant que le machinisme limite la liberté des hommes et perturbe jusqu’à leur mode de pensée. Bernanos considère que la libre-entreprise, en satisfaisant les vices de l’homme plutôt que ses besoins, ne conduit pas au bonheur. Il rappelle que la concurrence universelle des entreprises peut plonger des familles entières dans la ruine du jour au lendemain. Fidèle à sa pensée nationaliste, il estime cependant que la civilisation française est incompatible avec l’idolâtrie pour la technique qui caractérise le monde anglo-saxon.

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Friedrich Georg Jünger (1898-1977)

Ecrivain allemand, frère cadet d’Ernst Jünger. Engagé volontaire dans la Première guerre mondiale, il est grièvement blessé à la bataille de Langemark (1914). Après la guerre, il étudie le droit et l’économie jusqu’en 1923, lorsque l’occupation française de la Ruhr l’amène à radicaliser son nationalisme. Il publie alors Aufmarsch des Nationalismus (1926) où il réclame un réarmement technique et idéologique de l’Allemagne sur le modèle de l’Union soviétique.

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Lewis Mumford (1895-1990) : première période

Critique technologique
Usines Oriol et Alamagny sur la rivière Gier et la rue Vignette à Lyon (circa 1885).

Lewis Mumford est un auteur non-universitaire qui a choisi de vivre comme un écrivain indépendant. D’abord spécialiste de l’histoire de la littérature américaine, il s’intéresse également très tôt au cadre bâti et aux techniques. C’est d’ailleurs dans le champ de l’architecture et de la planification urbaine qu’il connaîtra, notamment avec The City in History (1961), ses plus grands succès. Dans le domaine des techniques, il est notamment connu pour Technics and Civilization (1934), qui conserve un certain optimisme, et pour The Myth of the Machine, ouvrage nettement plus critique dont les deux volumes paraîtront en 1967 et 1970.

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